Source : DINA MEZA, Defensores en Línea http://www.defensoresenlinea.com/cms/index.php?option=com_content&view=article&id=1869:encuentro-internacional-de-ddhh-homenaje-a-los-martires-del-aguan&catid=71:def&Itemid=166
Traduction : Thierry Deronne pour http://venezuelainfos.wordpress.com
Tocoa, Colón, Honduras.
Lors de la Rencontre Internationale des Droits Humains en solidarité avec le Honduras qui se déroule depuis le 15 février 2012 à Tocoa, Colón, les délégués de différents pays du monde ont rendu hommage aux martyrs de l´Aguán, assassinés à cause de leur lutte pour la terre tandis qu´un voile d´impunité voudrait enterrer leur mémoire. La lutte inégale se poursuit, appuyée par un vaste mouvement de soildarité sur toute la planète.
Y participent des délégué(e)s de Cuba, du Brésil, des États-Unis, de l´Espagne, du Mexique, du Venezuela, du Costa Rica et de Haití entre autres, ainsi que des communicateurs populaires et sociaux qui propagent ce cri d´un peuple contre l´impunité, la militarisation, la répression politique et la criminalisation des mouvements sociaux.
Portant la photographie des martyrs, les veuves, enfants, et autres membres des familles ont allumé des bougies pour exiger la justice et le châtiment pour les coupables de ces assassinats, tandis que les participants de la rencontre levaient le poing à la mention de chacun des noms des morts qui totalisent déjà 56.
Parmi ces martyrs on compte notamment cinq paysans criblés de balles dans la plantation El Tumbador, le 15 décembre 2010, tous membres du Mouvement Paysans de l´Aguán, MCA. Leur assassinat s´ajoute à celui de cinquante compagnons du Mouvement Unifié Paysan de l´Aguán MARCA jusqu´au 20 janvier 2012.
Quelques minutes auparavant s´ouvrait officiellement la rencontre par une cérémonie afro-hondurienne des Garífuna et des indigènes Lenca. Le vendredi 17 février a eu lieu une soirée culturelle avec la participation de plusieurs groupes artistiques venus de Cuba. Le Coordinateur du FNRP, l´ex-président renversé par le coup d´État de 2009 Manuel Zelaya Rosales a déclaré que les morts de Comayagua sont des crimes commis par le régime de Porfirio Lobo (NDT : président de facto installé à la suite d´ « élections » organisées par les militaires putschistes).
Le même soir deux paysans ont été arrêtés alors qu´ils achetaient des médicaments à quelques pas de la rencontre, vers 10 heures du soir et sont depuis lors détenus dans par la police de Tocoa, Colón.
La rencontre s´est poursuivie avec une analyse de contexte par Camile Charlmers, militant révolutionnaire haïtien de l´organisation PAPDA. Wilfredo Paz, Coordinateur du Front National de Résistance Populaire de Colón, a analysé le contexte régional. La dirigeante afro-hondurienne garífuna Miriam Miranda a rappelé la nécessité de suivre en détail tout ce qui se passe depuis le coup d´État, comme la corruption policière et le massacre de la prison de Comayagua de cette semaine.
(NDT : ) Parce que le président Zelaya avait signé quelques accords économiques et sociaux avec l´ALBA, le Monde, Libération, etc.. ont tenté de justifier le coup d´État qui l´a renversé en 2009 . En 2012 et selon la CEPAL (ONU) le Honduras reste plus que jamais un des pays les plus pauvres de l´Amérique Latine. Et les violations des droits humains, notamment l´assassinat de nombreux journalistes, restent impunies. Sur cette sympathie médiatique pour les thèses putschistes, voir les analyses d´ACRIMED : http://www.acrimed.org/article3178.html
mercredi 22 février 2012
samedi 28 janvier 2012
Menaces persistantes contre les journalistes
Confédération Syndicale Internationale
Le 24 janvier, Gilda Silvestrucci, membre du collectif Periodistas por la vida y la libertad de expresión (Journalistes pour la vie et la liberté d’expression) a reçu des menaces de mort par téléphone. La CSI dénonce avec force les menaces persistantes dont font l’objet les journalistes qui osent exercer leur activité professionnelle.
Gilda Silvestrucci se trouvait au nombre des organisateurs de la manifestation pour la défense de la vie des journalistes honduriens, convoquée le 13 décembre 2011 en protestation contre la mort de leur collègue journaliste Luz Marina Paz Villalobos, assassinée par un commando de sicaires, le 6 décembre 2011. Sa disparition porte à 17 le nombre de journalistes assassinés depuis l’investiture de Porfirio Lobo à la tête du gouvernement le 27 janvier 2010. Aucun de ces crimes n’a été élucidé jusqu’à présent.
Itsmana Pineda Platero, autre journaliste qui avait pris part aux préparatifs de la manifestation du 13 décembre a également fait l’objet de menaces de mort fréquentes, elle aussi par téléphone portable.
Dans une lettre aux autorités honduriennes, la CSI exhorte le président Porfirio Lobo et son administration à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme aux harcèlements et aux menaces incessants à l’encontre des journalistes qui ne font qu’exercer leur métier, qui est d’informer. « La liberté d’expression est une condition sine qua non de tout État de droit qui agit dans le respect des droits fondamentaux de ses citoyens », a indiqué Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI. « Il est primordial de mettre fin à l’impunité et de traduire en justice les responsables intellectuels et matériels de ces attaques incessantes contre les journalistes.
Plus d'infos: http://www.ituc-csi.org/IMG/pdf/protesta_amenazas_a_periodistas_en_honduras_enero.pdf
Le 24 janvier, Gilda Silvestrucci, membre du collectif Periodistas por la vida y la libertad de expresión (Journalistes pour la vie et la liberté d’expression) a reçu des menaces de mort par téléphone. La CSI dénonce avec force les menaces persistantes dont font l’objet les journalistes qui osent exercer leur activité professionnelle.
Gilda Silvestrucci se trouvait au nombre des organisateurs de la manifestation pour la défense de la vie des journalistes honduriens, convoquée le 13 décembre 2011 en protestation contre la mort de leur collègue journaliste Luz Marina Paz Villalobos, assassinée par un commando de sicaires, le 6 décembre 2011. Sa disparition porte à 17 le nombre de journalistes assassinés depuis l’investiture de Porfirio Lobo à la tête du gouvernement le 27 janvier 2010. Aucun de ces crimes n’a été élucidé jusqu’à présent.
Itsmana Pineda Platero, autre journaliste qui avait pris part aux préparatifs de la manifestation du 13 décembre a également fait l’objet de menaces de mort fréquentes, elle aussi par téléphone portable.
Dans une lettre aux autorités honduriennes, la CSI exhorte le président Porfirio Lobo et son administration à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme aux harcèlements et aux menaces incessants à l’encontre des journalistes qui ne font qu’exercer leur métier, qui est d’informer. « La liberté d’expression est une condition sine qua non de tout État de droit qui agit dans le respect des droits fondamentaux de ses citoyens », a indiqué Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI. « Il est primordial de mettre fin à l’impunité et de traduire en justice les responsables intellectuels et matériels de ces attaques incessantes contre les journalistes.
Plus d'infos: http://www.ituc-csi.org/IMG/pdf/protesta_amenazas_a_periodistas_en_honduras_enero.pdf
vendredi 20 janvier 2012
Quinze femmes journalistes déposent plainte contre les plus hautes autorités de l’État ; Reporters sans frontières soutient la démarche
Par Benoît Hervieu
Reporters sans frontières
Le président Porfirio Lobo Sosa ainsi que les généraux René Osorio Canales et Andrés Felipe Díaz, respectivement chef d’État-major des armées et chef de la garde d’honneur présidentielle, font désormais l’objet d’une plainte déposée, le 21 décembre 2011, par quinze femmes journalistes du collectif “Journalisme pour la vie et la liberté d’expression” devant la procureur des droits de l’homme Sandra Ponce.
Cette procédure fait suite à la manifestation du 13 décembre dernier, au cours de laquelle les plaignantes et une cinquantaine de journalistes, militants des droits de l’homme et représentants de certains mouvements sociaux avaient été violemment agressés en passant aux abords du palais du gouvernement à Tegucigalpa (http://fr.rsf.org/honduras-une-protestation-pacifique-de-14-12-2011,41547.html).
“Trois raisons au mois nous amènent à soutenir cette plainte collective, dont nous avons reçu copie. Elle constitue, d’une part, la réponse légitime à de graves abus d’autorité contre des personnes sans défense. Elle réplique, d’autre part, à une scandaleuse propagande d’État consistant à discréditer les victimes en les faisant passer pour les agresseurs. Pourquoi une précédente manifestation de journalistes organisée quatre jours plus tôt au même endroit a-t-elle eu lieu sans le moindre heurt ? Enfin, au-delà des faits dont elle relève, cette plainte collective pose légitimement la question de savoir pourquoi l’impunité perdure dans un pays devenu, après le Mexique, le plus meurtrier du continent pour ceux qui font œuvre d’informer, en particulier sur une situation des droits de l’homme aussi alarmante. Notre voix se joint à celle des plaignantes pour exiger des autorités honduriennes que justice soit un jour rendue”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le Honduras compte 24 journalistes tués depuis 2003, dont 17 depuis le coup d’État du 28 juin 2009 (http://fr.rsf.org/honduras-une-journaliste-assassinee-un-08-12-2011,41527.html).
Reporters sans frontières
Le président Porfirio Lobo Sosa ainsi que les généraux René Osorio Canales et Andrés Felipe Díaz, respectivement chef d’État-major des armées et chef de la garde d’honneur présidentielle, font désormais l’objet d’une plainte déposée, le 21 décembre 2011, par quinze femmes journalistes du collectif “Journalisme pour la vie et la liberté d’expression” devant la procureur des droits de l’homme Sandra Ponce.
Cette procédure fait suite à la manifestation du 13 décembre dernier, au cours de laquelle les plaignantes et une cinquantaine de journalistes, militants des droits de l’homme et représentants de certains mouvements sociaux avaient été violemment agressés en passant aux abords du palais du gouvernement à Tegucigalpa (http://fr.rsf.org/honduras-une-protestation-pacifique-de-14-12-2011,41547.html).
“Trois raisons au mois nous amènent à soutenir cette plainte collective, dont nous avons reçu copie. Elle constitue, d’une part, la réponse légitime à de graves abus d’autorité contre des personnes sans défense. Elle réplique, d’autre part, à une scandaleuse propagande d’État consistant à discréditer les victimes en les faisant passer pour les agresseurs. Pourquoi une précédente manifestation de journalistes organisée quatre jours plus tôt au même endroit a-t-elle eu lieu sans le moindre heurt ? Enfin, au-delà des faits dont elle relève, cette plainte collective pose légitimement la question de savoir pourquoi l’impunité perdure dans un pays devenu, après le Mexique, le plus meurtrier du continent pour ceux qui font œuvre d’informer, en particulier sur une situation des droits de l’homme aussi alarmante. Notre voix se joint à celle des plaignantes pour exiger des autorités honduriennes que justice soit un jour rendue”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le Honduras compte 24 journalistes tués depuis 2003, dont 17 depuis le coup d’État du 28 juin 2009 (http://fr.rsf.org/honduras-une-journaliste-assassinee-un-08-12-2011,41527.html).
Un avocat assassiné après avoir dénoncé dans la presse les abus de la police
Par Benoît Hervieu
Reporters sans frontières
L’avocat Ricardo Rosales a été assassiné le 17 janvier 2012, trois jours après avoir dénoncé au quotidien Diario Tiempo, de très graves violations des droits de l’homme attribuées à des fonctionnaires de police de Tela (Nord) (http://www.tiempo.hn/index.php/sucesos/3059-abogado-denuncia-abusos-de-policias). Ricardo Rosales quittait son domicile, où se trouve également son bureau, pour se rendre à une audience lorsque trois individus armés et encapuchonnés l’ont abattu. L’avocat avait récemment défendu Marco Joel Alvarez, alias el Unicornio, inculpé puis blanchi dans l’enquête sur l’assassinat, le 11 mars 2010, du journaliste David Meza Montesinos (http://fr.rsf.org/honduras-le-principal-suspect-de-l-02-11-2011,41327.html)
"Aux côtés des journalistes, des avocats, universitaires, militants des droits de l’homme, syndicalistes, représentants associatifs ou simples citoyens constituent autant de piliers de la liberté d’informer et le payent trop souvent de leur vie. Selon le Collège des avocats du Honduras (CAH), 74 d’entre eux ont été tués ces trois dernières années en toute impunité. Ce bilan révèle à son tour la faillite complète de l’État de droit que connaît le pays - déjà plombé par l’un des pires indices mondiaux d’insécurité - depuis le coup d’État du 28 juin 2009. En saluant le courage de Ricardo Rosales, nous exigeons que justice lui soit rendue comme aux autres", a déclaré Reporters sans frontières, qui rappelle que 17 journalistes honduriens ont été assassinés depuis 2010 (http://fr.rsf.org/honduras-une-journaliste-assassinee-un-08-12-2011,41527.html).
Selon les informations fournies par l’avocat, des actes de tortures sur des détenus, des abus sexuels sur des jeunes femmes parfois mineures et d’autres humiliations auraient été pratiqués par des policiers entrés récemment en fonctions à Tela pour en remplacer 70 autres assignés et envoyés vers d’autres postes par le ministère de la Sécurité. Ces mesures de rotation au sein de la police s’inscrivent dans le cadre de la vaste Opération Éclair (Operativo Relámpago), lancée en novembre dernier par le gouvernement et destinée officiellement à “lutter contre l’insécurité”. “S’agit-il effectivement de vaincre l’insécurité ou de faire oublier les pires atteintes aux droits humains par un jeu de mutations administratives ? L’assassinat de Ricardo Rosales donne le droit de s’interroger. Pendant ce temps, la répression et la terreur continuent (http://fr.rsf.org/honduras-une-protestation-pacifique-de-14-12-2011,41547.html)”, a déclaré Reporters sans frontières.
Ricardo Rosales avait pris connaissance des agissements des policiers par les dépositions de parents des victimes et par un témoignage direct d’une jeune fille qui n’ose pas porter plainte pour le moment.
Reporters sans frontières
L’avocat Ricardo Rosales a été assassiné le 17 janvier 2012, trois jours après avoir dénoncé au quotidien Diario Tiempo, de très graves violations des droits de l’homme attribuées à des fonctionnaires de police de Tela (Nord) (http://www.tiempo.hn/index.php/sucesos/3059-abogado-denuncia-abusos-de-policias). Ricardo Rosales quittait son domicile, où se trouve également son bureau, pour se rendre à une audience lorsque trois individus armés et encapuchonnés l’ont abattu. L’avocat avait récemment défendu Marco Joel Alvarez, alias el Unicornio, inculpé puis blanchi dans l’enquête sur l’assassinat, le 11 mars 2010, du journaliste David Meza Montesinos (http://fr.rsf.org/honduras-le-principal-suspect-de-l-02-11-2011,41327.html)
"Aux côtés des journalistes, des avocats, universitaires, militants des droits de l’homme, syndicalistes, représentants associatifs ou simples citoyens constituent autant de piliers de la liberté d’informer et le payent trop souvent de leur vie. Selon le Collège des avocats du Honduras (CAH), 74 d’entre eux ont été tués ces trois dernières années en toute impunité. Ce bilan révèle à son tour la faillite complète de l’État de droit que connaît le pays - déjà plombé par l’un des pires indices mondiaux d’insécurité - depuis le coup d’État du 28 juin 2009. En saluant le courage de Ricardo Rosales, nous exigeons que justice lui soit rendue comme aux autres", a déclaré Reporters sans frontières, qui rappelle que 17 journalistes honduriens ont été assassinés depuis 2010 (http://fr.rsf.org/honduras-une-journaliste-assassinee-un-08-12-2011,41527.html).
Selon les informations fournies par l’avocat, des actes de tortures sur des détenus, des abus sexuels sur des jeunes femmes parfois mineures et d’autres humiliations auraient été pratiqués par des policiers entrés récemment en fonctions à Tela pour en remplacer 70 autres assignés et envoyés vers d’autres postes par le ministère de la Sécurité. Ces mesures de rotation au sein de la police s’inscrivent dans le cadre de la vaste Opération Éclair (Operativo Relámpago), lancée en novembre dernier par le gouvernement et destinée officiellement à “lutter contre l’insécurité”. “S’agit-il effectivement de vaincre l’insécurité ou de faire oublier les pires atteintes aux droits humains par un jeu de mutations administratives ? L’assassinat de Ricardo Rosales donne le droit de s’interroger. Pendant ce temps, la répression et la terreur continuent (http://fr.rsf.org/honduras-une-protestation-pacifique-de-14-12-2011,41547.html)”, a déclaré Reporters sans frontières.
Ricardo Rosales avait pris connaissance des agissements des policiers par les dépositions de parents des victimes et par un témoignage direct d’une jeune fille qui n’ose pas porter plainte pour le moment.
mardi 4 octobre 2011
Persécution contre un journaliste proche de la Résistance, un autre dans le collimateur d’un général putschiste
Par Benoît Hervieu
Reporters sans frontières
Les inquiétudes exprimées par Reporters sans frontières au moment de la réintégration du Honduras à l’organisation des États américains (OEA) (http://fr.rsf.org/honduras-inquietude-sur-l-avenir-des-07-06-2011,40407.html) restent plus que jamais d’actualité au vu de deux nouvelles affaires de presse politiquement sensibles. Elles concernent deux journalistes de télévision - Mario Castro Rodríguez et Edgardo Antonio Escoto Amador - connus pour leur opposition au coup d’État du 28 juin 2009 et détenteurs d’informations en lien avec celui-ci.
“L’Accord de Carthagène est mort-né et la réconciliation nationale impossible si la censure, la répression et l’assassinat continuent de répondre à la nécessaire information sur le coup d’État et ses conséquences, jusqu’à aujourd’hui. La protection - relative - dont bénéficie Mario Castro Rodríguez, et qui doit être accordée à Edgardo Antonio Escoto Amador, est à la fois nécessaire et insuffisante. Ces affaires doivent susciter des enquêtes approfondies, dussent-elles mettre en cause de hauts responsables de l’armée et de la police, en activité ou à la retraite. L’OEA et la communauté internationale doivent rappeler d’urgence les autorités honduriennes à leur devoir de lutte contre l’impunité. Nous regrettons à cet égard le report de la visite – initialement prévue du 27 septembre au 4 octobre - de Margaret Sekaggya, rapporteur spécial de l’Onu pour la situation des droits de défenseurs des droits de l’homme. Ce rendez-vous doit avoir lieu avant la fin de l’année”, a déclaré Reporters sans frontières.
Cent fois menacé
Directeur du programme "El látigo contra la corrupción" (“le fouet contre la corruption”) pour la chaîne Globo TV à Tegucigalpa, Mario Castro Rodríguez a fait état d’une centaine de messages l’avertissant de sa mort prochaine depuis le 8 septembre dernier, selon le Comité pour la libre expression (C-Libre), organisation hondurienne partenaire de Reporters sans frontières. Bien que bénéficiaire, avec son frère et collègue Edgardo, de mesures préventives sollicitées par la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) auprès de l’État hondurien, le journaliste craint pour sa sécurité et même sa vie.
Mario Castro est un sympathisant du Front élargi de Résistance (FARP), le parti fondé par l’ancien président victime du coup d’État, Manuel Zelaya, depuis son retour au pays en mai dernier. Radio Globo et Globo TV ont été fortement exposés à la répression et à la censure dans les mois qui ont suivi le putsch, en raison de leur proximité avec l’ancien chef de l’État.
"Il serait magnifique qu’on vous bute, bandes de porcs", "Il vaut mieux qu’on vous descende tous", "Vieux vaurien, qu’on vous tue tous", "Ha, ha, ha, on tue les idiots, connard", sont des exemples de messages répétés en boucle et envoyés au journaliste depuis différents numéros. Certains font allusion aux mauvaises relations de l’intéressé avec la police. Mario Castro a également enduré, à plusieurs reprises, les filatures par des individus cagoulés et fortement armés circulant dans un véhicule blanc sans plaque d’immatriculation et aux vitres teintées. Attendu à chaque fois en début de nuit à la sortie du siège de Globo TV, le journaliste a été suivi jusqu’à son domicile.
Le programme conduit par les frères Mario et Edgardo Castro, lancé en mai 2010, s’est notamment distingué par ses dénonciations des actes de corruption commis sous le gouvernement, issu du coup d’État, de Roberto Micheletti (juin 2009-janvier 2010). Les deux frères traitent d’autres sujets sensibles comme la militarisation de la région de l’Aguán (Centre-Nord), source de très graves violations des droits de l’homme contre les communautés et mouvements paysans. L’assassinat, le 8 septembre dernier, d’un autre adhérent du FARP, Medardo Flores, de la station Radio Uno à San Pedro Sula, a porté à quinze le nombre de journalistes tués au Honduras en dix-huit mois. Tous ces drames demeurent à ce jour impunis.
Informations compromettantes
Coordinateur du programme “Thèmes et débats” pour la chaîne Canal 13 à Tegucigalpa, Edgardo Antonio Escoto Amador vit, lui aussi, sous la menace. Dans la nuit du 22 septembre dernier, le journaliste a été intercepté près de chez lui par deux individus circulant à moto. Armes de gros calibre au poing, les assaillants lui ont dérobé un ordinateur portable contenant, a-t-il expliqué à C-Libre, “de l’information confidentielle relative au coup d’État qui m’a été transmise, ainsi qu’à d’autres journalistes, il y a plusieurs mois et qui a causé l’irritation du général en retraite Miguel Ángel García Padgett”. Le journaliste a précisé faire l’objet de menaces et de filatures régulières après avoir refusé de céder aux pressions d’émissaires se réclamant de l’ancien militaire.
Miguel Ángel García Padgett compte parmi les quatre généraux à la manœuvre lors du coup d’État du 28 juin 2009. Son collègue Romeo Vásquez Velásquez a, quant à lui, été nommé à la tête de l’entreprise nationale de télécommunications Hondutel, le 8 mars 2010, au moment de son départ de l’armée. Edgardo Antonio Escoto Amador avait lui-même subi plusieurs arrestations violentes à l’époque du coup d’État.
Reporters sans frontières
Les inquiétudes exprimées par Reporters sans frontières au moment de la réintégration du Honduras à l’organisation des États américains (OEA) (http://fr.rsf.org/honduras-inquietude-sur-l-avenir-des-07-06-2011,40407.html) restent plus que jamais d’actualité au vu de deux nouvelles affaires de presse politiquement sensibles. Elles concernent deux journalistes de télévision - Mario Castro Rodríguez et Edgardo Antonio Escoto Amador - connus pour leur opposition au coup d’État du 28 juin 2009 et détenteurs d’informations en lien avec celui-ci.
“L’Accord de Carthagène est mort-né et la réconciliation nationale impossible si la censure, la répression et l’assassinat continuent de répondre à la nécessaire information sur le coup d’État et ses conséquences, jusqu’à aujourd’hui. La protection - relative - dont bénéficie Mario Castro Rodríguez, et qui doit être accordée à Edgardo Antonio Escoto Amador, est à la fois nécessaire et insuffisante. Ces affaires doivent susciter des enquêtes approfondies, dussent-elles mettre en cause de hauts responsables de l’armée et de la police, en activité ou à la retraite. L’OEA et la communauté internationale doivent rappeler d’urgence les autorités honduriennes à leur devoir de lutte contre l’impunité. Nous regrettons à cet égard le report de la visite – initialement prévue du 27 septembre au 4 octobre - de Margaret Sekaggya, rapporteur spécial de l’Onu pour la situation des droits de défenseurs des droits de l’homme. Ce rendez-vous doit avoir lieu avant la fin de l’année”, a déclaré Reporters sans frontières.
Cent fois menacé
Directeur du programme "El látigo contra la corrupción" (“le fouet contre la corruption”) pour la chaîne Globo TV à Tegucigalpa, Mario Castro Rodríguez a fait état d’une centaine de messages l’avertissant de sa mort prochaine depuis le 8 septembre dernier, selon le Comité pour la libre expression (C-Libre), organisation hondurienne partenaire de Reporters sans frontières. Bien que bénéficiaire, avec son frère et collègue Edgardo, de mesures préventives sollicitées par la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) auprès de l’État hondurien, le journaliste craint pour sa sécurité et même sa vie.
Mario Castro est un sympathisant du Front élargi de Résistance (FARP), le parti fondé par l’ancien président victime du coup d’État, Manuel Zelaya, depuis son retour au pays en mai dernier. Radio Globo et Globo TV ont été fortement exposés à la répression et à la censure dans les mois qui ont suivi le putsch, en raison de leur proximité avec l’ancien chef de l’État.
"Il serait magnifique qu’on vous bute, bandes de porcs", "Il vaut mieux qu’on vous descende tous", "Vieux vaurien, qu’on vous tue tous", "Ha, ha, ha, on tue les idiots, connard", sont des exemples de messages répétés en boucle et envoyés au journaliste depuis différents numéros. Certains font allusion aux mauvaises relations de l’intéressé avec la police. Mario Castro a également enduré, à plusieurs reprises, les filatures par des individus cagoulés et fortement armés circulant dans un véhicule blanc sans plaque d’immatriculation et aux vitres teintées. Attendu à chaque fois en début de nuit à la sortie du siège de Globo TV, le journaliste a été suivi jusqu’à son domicile.
Le programme conduit par les frères Mario et Edgardo Castro, lancé en mai 2010, s’est notamment distingué par ses dénonciations des actes de corruption commis sous le gouvernement, issu du coup d’État, de Roberto Micheletti (juin 2009-janvier 2010). Les deux frères traitent d’autres sujets sensibles comme la militarisation de la région de l’Aguán (Centre-Nord), source de très graves violations des droits de l’homme contre les communautés et mouvements paysans. L’assassinat, le 8 septembre dernier, d’un autre adhérent du FARP, Medardo Flores, de la station Radio Uno à San Pedro Sula, a porté à quinze le nombre de journalistes tués au Honduras en dix-huit mois. Tous ces drames demeurent à ce jour impunis.
Informations compromettantes
Coordinateur du programme “Thèmes et débats” pour la chaîne Canal 13 à Tegucigalpa, Edgardo Antonio Escoto Amador vit, lui aussi, sous la menace. Dans la nuit du 22 septembre dernier, le journaliste a été intercepté près de chez lui par deux individus circulant à moto. Armes de gros calibre au poing, les assaillants lui ont dérobé un ordinateur portable contenant, a-t-il expliqué à C-Libre, “de l’information confidentielle relative au coup d’État qui m’a été transmise, ainsi qu’à d’autres journalistes, il y a plusieurs mois et qui a causé l’irritation du général en retraite Miguel Ángel García Padgett”. Le journaliste a précisé faire l’objet de menaces et de filatures régulières après avoir refusé de céder aux pressions d’émissaires se réclamant de l’ancien militaire.
Miguel Ángel García Padgett compte parmi les quatre généraux à la manœuvre lors du coup d’État du 28 juin 2009. Son collègue Romeo Vásquez Velásquez a, quant à lui, été nommé à la tête de l’entreprise nationale de télécommunications Hondutel, le 8 mars 2010, au moment de son départ de l’armée. Edgardo Antonio Escoto Amador avait lui-même subi plusieurs arrestations violentes à l’époque du coup d’État.
mercredi 14 septembre 2011
« Réconciliation » à la hondurienne
Par Maurice Lemoine
Septembre 2011
Signé le 22 mai dernier par l’ex-président Manuel Zelaya (renversé fin juin 2009 par un coup d’Etat) et l’actuel chef de l’Etat Porfirio Lobo, l’Accord dit « de Cartagena » était censé mettre un terme à la grave crise politique qui affecte le Honduras. Ayant pour véritable intitulé « Accord pour la réconciliation nationale et la consolidation du système démocratique dans la République du Honduras », il a permis à cette dernière d’être réadmise au sein de l’Organisation des Etats américains (OEA), le 1er juin 2011, et prétend, dans son paragraphe 5, « veiller de manière particulière au respect de la Constitution en ce qui concerne les garanties du respect et de la protection des droits humains ».
S’il a été paraphé malgré les sérieuses mises en garde d’une part non négligeable du mouvement social hondurien qui, durement réprimé, a vu en lui une façon insidieuse de faire oublier le golpe [1] et d’absoudre ses auteurs, cet accord n’en a pas moins permis le retour de M. Zelaya dans son pays, d’où il peut désormais assumer son rôle de dirigeant de l’opposition – le Front national de résistance populaire (FNRP). Tout irait donc pour le mieux dans le (presque) meilleur des mondes si la « communauté internationale » (en général) et l’OEA (en particulier) ne se désintéressaient totalement de la curieuse conception qu’a l’oligarchie hondurienne de la « réconciliation » et « des droits humains ».
Le 5 juin, quatre jours seulement après que, à San Salvador, les chefs d’Etats du continent (ou leurs ministres des affaires étrangères) aient célébré le retour « officiel » de la démocratie à Tegucigalpa et de Tegucigalpa au sein de l’OEA, le sang coulait à nouveau dans le Bas Aguán – région de la côte atlantique, au nord du pays, où trois mille cinq cents familles membres du Mouvement uni des paysans de l’Aguán (MUCA), du Mouvement paysan de l’Aguán (MCA) et du Mouvement authentique revendicatif paysan de l’Aguán (MARCA) occupent une partie des 20 000 hectares de terre que trois grands propriétaires terriens – MM. Reinaldo Canales, René Morales et Miguel Facussé – se sont indûment appropriés au fil des années. Ce 5 juin, donc, un fort contingent de policiers, de militaires et d’authentiques « paramilitaires » à la solde des terratenientes [2] attaquait les asentamientos (colonies) du MARCA, à Trinidad, San Isidro et San Estebán, avant d’envahir violemment les installations de l’Institut national agraire (INA), une entité semi-autonome de l’Etat, à Sinaloa. Au même moment, des inconnus interceptaient et assassinaient trois membres de la coopérative de San Estebán : José Recinos Aguilar, Joel Santamaría et Genaro Cuesta. Ce crime portait alors à trente-deux le nombre des paysans victimes de la répression.
Depuis, la mort poursuit son œuvre. Le 16 juillet, tombent Luis Alonso Ortiz Borjas et Constantino Morales Enamorado, de la communauté de Nueva Marañones (MUCA). Une semaine plus tard, le 23, des inconnus abattent Julián Alvarenga García, président de l’asentamiento Isla Uno (MUCA) et blessent gravement l’un de ses compagnons, M. Santos Dubón.
La confusion atteint son comble lorsque, les 14 et 15 août, un affrontement aux circonstances encore non élucidées coûte la vie à quatre sicaires de M. Facussé, en blessant onze autres, et quand, le lendemain, cinq personnes n’ayant rien à voir avec les conflits agraires de la zone sont froidement exécutées alors qu’elles sortent des bureaux de l’INA, à Sinaloa.
C’est toutefois le drame du 14 qui, et pour cause, fait sortir les autorités de leur léthargie : cette fois, les victimes ne sont pas des paysans en lutte mais des hommes de main du « maître de la terre » et roi de la palme africaine Miguel Facussé. Dirigeant l’INA avec rang de ministre, M. César Ham peut bien affirmer que ces faits de violence ne peuvent être attribués ni au MUCA, ni au MARCA, ni au MCA, le ministre de la sécurité Óscar Álvarez, sur ordres du président Lobo, lance l’ « opération Xatruch II ». Mille militaires et policiers sont dépêchés dans la région pour y « rétablir l’ordre » et procéder à un « désarmement » (sous-entendu : des paysans). Une opération similaire avait déjà eu lieu en décembre 2010… sans qu’aucune arme ne soit trouvée [3] !
Rétablir l’ordre ? Mais quel ordre ? Cette re-militarisation massive du Bas Aguán n’empêche nullement l’assassinat, le 20 août, de Secundino Ruiz, président de la coopérative San Isidro (MARCA) ; l’exécution et la décapitation, le 21 août, à La Concepción, du vice-président du MUCA Pedro Salgado et de son épouse Reina Mejía Licona ; la mort violente, le 2 septembre, d’Olvin David González Godoy, membre du MUCA, à proximité de la coopérative Marañones.
Le calme reviendra-t-il avec l’approbation par le Congrès, le 7 septembre, d’un décret affectant 4 712 hectares à sept communautés appartenant au MUCA et au MARCA ? Le 14 avril 2010, en effet, admettant que ses membres avaient le droit d’accéder à la terre, le président Lobo leur avait proposé, par l’intermédiaire de l’INA, 11 000 ha en trois parties (dont une première de 4 000 ha), à condition qu’elles abandonnent l’occupation de vingt-six fincas [4] et moyennant une indemnisation des pseudo propriétaires, MM. Morales et Facussé. Depuis, la transaction traînait en longueur, ouvertement sabotée par ce dernier : alors que le gouvernement proposait 110 000 lempiras par hectare (4 028 euros), il en réclamait 350 000 (12 800 euros). La négociation a finalement débouché sur 135 000 lempiras par hectare (4 963 euros), soit pour les 4 045,70 hectares de M. Facussé et les 667 ha de M. Morales, une somme de 636 millions de lempiras (23,3 millions d’euros) [5]. Bénéficiant d’un prêt au taux « préférentiel » de 10 %, les paysans devront les rembourser dans un délai de quinze ans – l’Etat se portant garant de ce remboursement.
Pour positif qu’il soit, cet accord, contesté par une majorité des intéressés car ne résolvant qu’une infime partie des conflits agraires, ne garantit en rien la fin des revendications et donc de la répression. Laquelle, par ailleurs, ne se cantonne pas au seul Bas Aguán. Le 22 août, l’étudiant Nahúm Guerra Guerrero, qui participait à l’occupation pacifique de l’Ecole d’agriculture Pompilio Ortega, à Santa Bárbara, est tombé sous le feu de tueurs circulant en automobile. Le 7 septembre, à Tegucigalpa, Mahadeo Roopachand Sadloo, dit « Emo », militant connu et très populaire du FNRP, a été fauché à son tour, à son domicile – une balle dans la tête, quatre dans le thorax. Le lendemain, à Puerto Cortés, le journaliste et trésorier du Front élargi de résistance populaire (FARP) pour le nord du pays [6], était victime des tueurs d’un escadron de la mort.
Face à l’hécatombe, les autorités font preuve d’une fertile imagination. Ainsi, la violence qui affecte le Bas Aguán serait-elle due à la présence d’un groupe (lire : une guérilla) « d’au moins trois cents hommes armés » obéissant aux ordres d’un individu nommé « El Comandante » et entraîné par « deux Nicaraguayens » – originaires, on l’aura compris, d’un pays membre de l’Alliance bolivarienne des peuples de notre Amérique (ALBA) [7]. En revanche, d’après le commissaire Marco Tulio Palma Rivera, chef de la Direction nationale d’investigation criminelle (DNIC), qui mène l’enquête sur le meurtre d’ « Emo », « l’hypothèse la plus forte est qu’il s’agit d’un crime de droit commun, sans caractère idéologique [8] ».
On ignore pour l’instant si la démission du ministre de la sécurité Óscar Álvarez, survenue le 9 septembre, à la demande du président Lobo, est due à son échec dans la lutte contre une insécurité galopante, ou si elle est une conséquence de pressions intervenues après les déclarations fracassantes qu’il a faites le 31 août : ce jour-là, en effet, il a dénoncé « qu’au moins dix officiers de la police nationale se sont transformés en “contrôleurs aériens” permettant l’atterrissage [au Honduras] de narco-avions qui transportent de la drogue du sud du continent jusqu’en Amérique du Nord [9] » et a annoncé qu’il voulait épurer l’institution.
Ce pavé dans la mare a fait d’autant plus d’effet que, quelques jours plus tard, il a été suivi de la publication, via WikiLeaks, d’un câble « secret » de l’ambassade américaine daté du 19 mars 2004 et intitulé « Un avion du narcotrafic brûlé dans la propriété d’un éminent Hondurien » [10]. Le document détaille comment, le 14 mars de cette année-là, un bimoteur chargé d’une tonne de cocaïne et provenant de Colombie a atterri sur l’une des propriétés de M. Miguel Facussé située à Farallones (côte nord du Honduras) ; comment le chargement fût transféré dans une caravane de véhicules escortés par trente hommes fortement armés ; comment l’aéronef fût brûlé, en plein jour, près de la piste d’atterrissage, et enterré le 15 au soir, avec l’aide d’un bulldozer. Sans mettre ouvertement en cause M. Facussé, le rapport signé par l’ambassadeur Larry Leon Palmer n’en rapporte pas moins que sa propriété « était fortement surveillée ce qui rend “questionnable” la version selon laquelle des étrangers auraient pu y pénétrer et utiliser la piste d’atterrissage sans autorisation », sachant par ailleurs « que Facussé était présent (…) au moment où ont eu lieu les faits ». Enfin, mentionne le câble, « cet incident marque la troisième occasion où, au cours des quinze derniers mois, l’on a vu des trafiquants de drogue en relation avec cette propriété de M. Facussé ».
Sans aller au-delà de ce que suggère ce document, on n’en comprend pas moins que, vu sous cet angle, certaines « élites » du Bas Aguan préfèrent voir la zone fourmiller de paramilitaires et de policiers que… de paysans.
[1] Coup d’Etat.
[2] Grands propriétaires.
[3] Lire « Bras de fer au Honduras », Le Monde diplomatique, juin 2011.
[4] Propriété.
[5] Sont concernées les fincas La Aurora, La Confianza, Isla 1 et 2, Marañones, La Concepción, La Lempira et San Estebán.
[6] Après le retour d’exil de M. Zelaya, la résistance populaire a pris la décision de constituer un Front élargi (FARP) regroupant le FNRP et d’autres secteurs de l’opposition, en vue des élections prévues en 2013.
[7] L’ALBA regroupe la Bolivie, Cuba, la Dominique, l’Equateur, le Nicaragua, le Venezuela, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Antigua et Barbuda ; le Honduras en faisait partie avant le coup d’Etat.
[8] El Heraldo, Tegucigalpa, 9 septembre 2011.
[9] La Prensa, Tegucigalpa, 1er septembre 2011.
[10] Radio La Primerísima, Tegucigalpa, 3 septembre 2011.
Septembre 2011
Signé le 22 mai dernier par l’ex-président Manuel Zelaya (renversé fin juin 2009 par un coup d’Etat) et l’actuel chef de l’Etat Porfirio Lobo, l’Accord dit « de Cartagena » était censé mettre un terme à la grave crise politique qui affecte le Honduras. Ayant pour véritable intitulé « Accord pour la réconciliation nationale et la consolidation du système démocratique dans la République du Honduras », il a permis à cette dernière d’être réadmise au sein de l’Organisation des Etats américains (OEA), le 1er juin 2011, et prétend, dans son paragraphe 5, « veiller de manière particulière au respect de la Constitution en ce qui concerne les garanties du respect et de la protection des droits humains ».
S’il a été paraphé malgré les sérieuses mises en garde d’une part non négligeable du mouvement social hondurien qui, durement réprimé, a vu en lui une façon insidieuse de faire oublier le golpe [1] et d’absoudre ses auteurs, cet accord n’en a pas moins permis le retour de M. Zelaya dans son pays, d’où il peut désormais assumer son rôle de dirigeant de l’opposition – le Front national de résistance populaire (FNRP). Tout irait donc pour le mieux dans le (presque) meilleur des mondes si la « communauté internationale » (en général) et l’OEA (en particulier) ne se désintéressaient totalement de la curieuse conception qu’a l’oligarchie hondurienne de la « réconciliation » et « des droits humains ».
Le 5 juin, quatre jours seulement après que, à San Salvador, les chefs d’Etats du continent (ou leurs ministres des affaires étrangères) aient célébré le retour « officiel » de la démocratie à Tegucigalpa et de Tegucigalpa au sein de l’OEA, le sang coulait à nouveau dans le Bas Aguán – région de la côte atlantique, au nord du pays, où trois mille cinq cents familles membres du Mouvement uni des paysans de l’Aguán (MUCA), du Mouvement paysan de l’Aguán (MCA) et du Mouvement authentique revendicatif paysan de l’Aguán (MARCA) occupent une partie des 20 000 hectares de terre que trois grands propriétaires terriens – MM. Reinaldo Canales, René Morales et Miguel Facussé – se sont indûment appropriés au fil des années. Ce 5 juin, donc, un fort contingent de policiers, de militaires et d’authentiques « paramilitaires » à la solde des terratenientes [2] attaquait les asentamientos (colonies) du MARCA, à Trinidad, San Isidro et San Estebán, avant d’envahir violemment les installations de l’Institut national agraire (INA), une entité semi-autonome de l’Etat, à Sinaloa. Au même moment, des inconnus interceptaient et assassinaient trois membres de la coopérative de San Estebán : José Recinos Aguilar, Joel Santamaría et Genaro Cuesta. Ce crime portait alors à trente-deux le nombre des paysans victimes de la répression.
Depuis, la mort poursuit son œuvre. Le 16 juillet, tombent Luis Alonso Ortiz Borjas et Constantino Morales Enamorado, de la communauté de Nueva Marañones (MUCA). Une semaine plus tard, le 23, des inconnus abattent Julián Alvarenga García, président de l’asentamiento Isla Uno (MUCA) et blessent gravement l’un de ses compagnons, M. Santos Dubón.
La confusion atteint son comble lorsque, les 14 et 15 août, un affrontement aux circonstances encore non élucidées coûte la vie à quatre sicaires de M. Facussé, en blessant onze autres, et quand, le lendemain, cinq personnes n’ayant rien à voir avec les conflits agraires de la zone sont froidement exécutées alors qu’elles sortent des bureaux de l’INA, à Sinaloa.
C’est toutefois le drame du 14 qui, et pour cause, fait sortir les autorités de leur léthargie : cette fois, les victimes ne sont pas des paysans en lutte mais des hommes de main du « maître de la terre » et roi de la palme africaine Miguel Facussé. Dirigeant l’INA avec rang de ministre, M. César Ham peut bien affirmer que ces faits de violence ne peuvent être attribués ni au MUCA, ni au MARCA, ni au MCA, le ministre de la sécurité Óscar Álvarez, sur ordres du président Lobo, lance l’ « opération Xatruch II ». Mille militaires et policiers sont dépêchés dans la région pour y « rétablir l’ordre » et procéder à un « désarmement » (sous-entendu : des paysans). Une opération similaire avait déjà eu lieu en décembre 2010… sans qu’aucune arme ne soit trouvée [3] !
Rétablir l’ordre ? Mais quel ordre ? Cette re-militarisation massive du Bas Aguán n’empêche nullement l’assassinat, le 20 août, de Secundino Ruiz, président de la coopérative San Isidro (MARCA) ; l’exécution et la décapitation, le 21 août, à La Concepción, du vice-président du MUCA Pedro Salgado et de son épouse Reina Mejía Licona ; la mort violente, le 2 septembre, d’Olvin David González Godoy, membre du MUCA, à proximité de la coopérative Marañones.
Le calme reviendra-t-il avec l’approbation par le Congrès, le 7 septembre, d’un décret affectant 4 712 hectares à sept communautés appartenant au MUCA et au MARCA ? Le 14 avril 2010, en effet, admettant que ses membres avaient le droit d’accéder à la terre, le président Lobo leur avait proposé, par l’intermédiaire de l’INA, 11 000 ha en trois parties (dont une première de 4 000 ha), à condition qu’elles abandonnent l’occupation de vingt-six fincas [4] et moyennant une indemnisation des pseudo propriétaires, MM. Morales et Facussé. Depuis, la transaction traînait en longueur, ouvertement sabotée par ce dernier : alors que le gouvernement proposait 110 000 lempiras par hectare (4 028 euros), il en réclamait 350 000 (12 800 euros). La négociation a finalement débouché sur 135 000 lempiras par hectare (4 963 euros), soit pour les 4 045,70 hectares de M. Facussé et les 667 ha de M. Morales, une somme de 636 millions de lempiras (23,3 millions d’euros) [5]. Bénéficiant d’un prêt au taux « préférentiel » de 10 %, les paysans devront les rembourser dans un délai de quinze ans – l’Etat se portant garant de ce remboursement.
Pour positif qu’il soit, cet accord, contesté par une majorité des intéressés car ne résolvant qu’une infime partie des conflits agraires, ne garantit en rien la fin des revendications et donc de la répression. Laquelle, par ailleurs, ne se cantonne pas au seul Bas Aguán. Le 22 août, l’étudiant Nahúm Guerra Guerrero, qui participait à l’occupation pacifique de l’Ecole d’agriculture Pompilio Ortega, à Santa Bárbara, est tombé sous le feu de tueurs circulant en automobile. Le 7 septembre, à Tegucigalpa, Mahadeo Roopachand Sadloo, dit « Emo », militant connu et très populaire du FNRP, a été fauché à son tour, à son domicile – une balle dans la tête, quatre dans le thorax. Le lendemain, à Puerto Cortés, le journaliste et trésorier du Front élargi de résistance populaire (FARP) pour le nord du pays [6], était victime des tueurs d’un escadron de la mort.
Face à l’hécatombe, les autorités font preuve d’une fertile imagination. Ainsi, la violence qui affecte le Bas Aguán serait-elle due à la présence d’un groupe (lire : une guérilla) « d’au moins trois cents hommes armés » obéissant aux ordres d’un individu nommé « El Comandante » et entraîné par « deux Nicaraguayens » – originaires, on l’aura compris, d’un pays membre de l’Alliance bolivarienne des peuples de notre Amérique (ALBA) [7]. En revanche, d’après le commissaire Marco Tulio Palma Rivera, chef de la Direction nationale d’investigation criminelle (DNIC), qui mène l’enquête sur le meurtre d’ « Emo », « l’hypothèse la plus forte est qu’il s’agit d’un crime de droit commun, sans caractère idéologique [8] ».
On ignore pour l’instant si la démission du ministre de la sécurité Óscar Álvarez, survenue le 9 septembre, à la demande du président Lobo, est due à son échec dans la lutte contre une insécurité galopante, ou si elle est une conséquence de pressions intervenues après les déclarations fracassantes qu’il a faites le 31 août : ce jour-là, en effet, il a dénoncé « qu’au moins dix officiers de la police nationale se sont transformés en “contrôleurs aériens” permettant l’atterrissage [au Honduras] de narco-avions qui transportent de la drogue du sud du continent jusqu’en Amérique du Nord [9] » et a annoncé qu’il voulait épurer l’institution.
Ce pavé dans la mare a fait d’autant plus d’effet que, quelques jours plus tard, il a été suivi de la publication, via WikiLeaks, d’un câble « secret » de l’ambassade américaine daté du 19 mars 2004 et intitulé « Un avion du narcotrafic brûlé dans la propriété d’un éminent Hondurien » [10]. Le document détaille comment, le 14 mars de cette année-là, un bimoteur chargé d’une tonne de cocaïne et provenant de Colombie a atterri sur l’une des propriétés de M. Miguel Facussé située à Farallones (côte nord du Honduras) ; comment le chargement fût transféré dans une caravane de véhicules escortés par trente hommes fortement armés ; comment l’aéronef fût brûlé, en plein jour, près de la piste d’atterrissage, et enterré le 15 au soir, avec l’aide d’un bulldozer. Sans mettre ouvertement en cause M. Facussé, le rapport signé par l’ambassadeur Larry Leon Palmer n’en rapporte pas moins que sa propriété « était fortement surveillée ce qui rend “questionnable” la version selon laquelle des étrangers auraient pu y pénétrer et utiliser la piste d’atterrissage sans autorisation », sachant par ailleurs « que Facussé était présent (…) au moment où ont eu lieu les faits ». Enfin, mentionne le câble, « cet incident marque la troisième occasion où, au cours des quinze derniers mois, l’on a vu des trafiquants de drogue en relation avec cette propriété de M. Facussé ».
Sans aller au-delà de ce que suggère ce document, on n’en comprend pas moins que, vu sous cet angle, certaines « élites » du Bas Aguan préfèrent voir la zone fourmiller de paramilitaires et de policiers que… de paysans.
[1] Coup d’Etat.
[2] Grands propriétaires.
[3] Lire « Bras de fer au Honduras », Le Monde diplomatique, juin 2011.
[4] Propriété.
[5] Sont concernées les fincas La Aurora, La Confianza, Isla 1 et 2, Marañones, La Concepción, La Lempira et San Estebán.
[6] Après le retour d’exil de M. Zelaya, la résistance populaire a pris la décision de constituer un Front élargi (FARP) regroupant le FNRP et d’autres secteurs de l’opposition, en vue des élections prévues en 2013.
[7] L’ALBA regroupe la Bolivie, Cuba, la Dominique, l’Equateur, le Nicaragua, le Venezuela, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Antigua et Barbuda ; le Honduras en faisait partie avant le coup d’Etat.
[8] El Heraldo, Tegucigalpa, 9 septembre 2011.
[9] La Prensa, Tegucigalpa, 1er septembre 2011.
[10] Radio La Primerísima, Tegucigalpa, 3 septembre 2011.
mercredi 17 août 2011
L’extrême droite hondurienne repasse à l’offensive
Par Maurice Lemoine
Le 22 mai, le président hondurien Porfirio Lobo et l’ex-chef de l’Etat Manuel Zelaya, renversé en juin 2009, signaient à Cartagena de Indias (Colombie) l’Accord pour la réconciliation nationale et la consolidation du système démocratique dans la République du Honduras. Leurs homologues colombien et vénézuélien Juan Manuel Santos et Hugo Chávez, qui avaient œuvré en tant que médiateurs lors des négociations ayant mené à ce dénouement, leur ont servi de témoins.
En permettant le retour dans son pays de M. Zelaya, jusque-là réfugié en République Dominicaine, cet accord a facilité la réincorporation du Honduras au sein de l’Organisation des Etats américains (OEA), survenue le 1er juin et approuvée par la totalité des pays membres, à l’exception de l’Equateur.
Si la fin de l’éloignement de « Mel », comme on appelle familièrement l’ancien chef de l’Etat, a provoqué une vague d’enthousiasme au sein du Front national de résistance populaire (FNRP), la réintégration express et concomitante du pays dans l’OEA y a produit un fort malaise et une évidente confusion.
Au terme d’une assemblée générale réunissant mille cinq cents délégués, les 26 et 27 février, le Front avait publiquement fait connaître ses exigences pour une sortie de crise : le retour en toute sécurité des exilés, dont l’ancien président (alors sous le coup de plusieurs procès montés de toutes pièces après son éviction ) ; la non participation à un quelconque processus électoral ; le démantèlement des structures golpistas [1] et le châtiment des responsables. Il avait également annoncé l’auto-convocation d’une Assemblée nationale constituante (ANC) « participative et démocratique », pour le 28 juin. Or, avec l’assentiment de M. Zelaya (et de M. Chávez, considéré par le FNRP comme son plus fidèle allié sur la scène internationale), l’Accord de Cartagena ne satisfait que le premier de ces points.
Bénéficiant d’une totale impunité, les organisateurs et bénéficiaires de la rupture constitutionnelle sont toujours incrustés dans les structures de l’Etat et du gouvernement Lobo. La répression n’a pas cessé. « L’Etat de droit est brisé et ses décombres demeurent entre les mains de ceux qui ont promu, accepté et défendu le golpe », s’insurgeait Mme Bertha Oliva, dirigeante du Comité des familles de détenus-disparus du Honduras (Cofadeh), dès le 2 juin, exprimant un sentiment très répandu. « Comment pouvons-nous répondre au peuple qui réclame justice et liberté ? » D’où le malaise latent.
Alors que, depuis le coup d’Etat, ce sont les bases du Front qui, refusant de reconnaître la légitimité des gouvernements de MM. Roberto Micheletti (le putschiste) et Lobo (issu d’élections « illégitimes »), ont affronté et subi la repression, le sentiment a prévalu que le mouvement, en tant que tel, n’avait pu qu’entériner une négociation menée en dehors de lui, par MM. Santos, Chávez, Lobo et Zelaya – un accord de « chefs » laissant le peuple de côté.
Il eût fallu être aveugle ou sourd pour ne pas prendre conscience du sentiment de frustration, et même parfois de colère ,régnant à Tegucigalpa. Outre Quito, Caracas (mais peut-être trop tardivement) s’en préoccupa. Le 1er juin, lors de l’Assemblée générale de l’OEA au cours de laquelle le Honduras devait retrouver son siège, le ministre des affaires étrangères vénézuélien Nicolás Maduro ne ménagea pas sa peine, pendant de longues heures, pour que soit inclus, dans la résolution, « un élément ayant à voir avec la lutte contre l’impunité et le respect des droits de l’homme ». Ses efforts n’ayant pas abouti, le Venezuela, sans rejoindre la position très ferme de l’Equateur, votera « pour la réintégration », mais en exprimant des « réserves » [2].
Pour autant, on ne résout pas un problème en le compliquant davantage : conscient d’avoir triomphé de la ligne des pustschistes qui refusaient la présence de M. Zelaya au Honduras, le FNRP a retrouvé son dirigeant – le seul, par son charisme, à même de fédérer le mouvement, et donc à lui permettre de possibles futures victoires – et serre les rangs. Et, M. Zelaya en tête, il dénonce les premiers « accrocs » aux Accords de Cartagena. Car ceux qui ont contesté la légitimation du gouvernement Lobo et le « blanchiment du coup d’Etat » qu’a entraîné de facto le retour au sein de l’OEA n’avaient pas, pour le faire, que de mauvaises raisons.
Depuis cette « normalisation », trois nouveaux paysans ont été assassinés et trois autres blessés par les paramilitaires à la solde des terratenientes [3], dans le Bas Aguán ; un autre est porté disparu depuis le 15 mai. Ces crimes portent le nombre des victimes des sicarios et des forces de sécurité à 32 morts, depuis janvier 2010, dans cette région.
Le 15 juin, M. Enrique Flores Lanza, ex-ministre de la présidence de M. Zelaya, a dû se présenter devant la justice. Membre de la Commission politique du FNRP, exilé au Nicaragua et revenu à Tegucigalpa, le 28 mai, dans le même avion que l’ancien chef de l’Etat, il est accusé d’avoir « détourné » des fonds publics pour mener campagne en faveur de la consultation populaire parfaitement légale que celui-ci voulait organiser, et qui lui a valu d’être renversé. Or, l’un des paragraphes de l’Accord « pour la réconciliation nationale » signé par M. Lobo mentionne « l’engagement assumé par le gouvernement de garantir à l’ex-président Manuel Zelaya, ainsi qu’aux autres ex-membres de son gouvernement, l’exercice de toute leur liberté d’action politique et toutes les garanties envisagées dans la Constitution et les lois du Honduras (…) ». Il est également précisé que ces ex-fonctionnaires, au cas où ils auraient à répondre devant la justice, pourraient exercer leur défense « en liberté ».
Ce 15 juin, le juge Claudio Aguilar a placé M. Flores Lanza en détention à domicile, lui donnant un délai d’un mois pour réunir une caution de 27 millions de lempiras – quasiment un million d’euros –, somme exorbitante, jamais demandée dans le pays à aucun prévenu. Si, au terme de trente jours, il n’a pu présenter cette somme, dont il a déjà précisé qu’il ne peut la payer, il sera placé en détention préventive, dans une prison de droit commun.
Tandis que le FNRP, en tant qu’organisation, demande à la communauté internationale « de se prononcer contre ce nouvel acte arbitraire qui constitue un dangereux sabotage des tentatives de donner une sortie pacifique et politique à la crise vécue depuis le coup d’Etat de 2009 », son coordinateur général, M. Zelaya, dénonce : cette décision de « justice » (institution notoirement impliquée dans le golpe) « viole l’accord signé à Cartagena de Indias ».
Le président Lobo navigue à vue. Son aval au retour de l’ennemi juré a provoqué la fureur des secteurs golpistas. Depuis le début du mois de juin, une campagne médiatique menée en particulier par les quotidiens El Heraldo et La Prensa (propriétés de M. Jorge Canahuati Larach, l’une des figures les plus en vue de l’oligarchie) l’accusent implicitement d’avoir passé « un pacte secret » avec… M. Chávez. L’affirmation repose sur l’interception (par qui ? comment ?) d’un supposé câble destiné à Caracas et relatant une conversation entre le chargé d’affaires vénézuélien à l’ambassade de Tegucigalpa, M. Ariel Vargas, et le chef de l’Etat hondurien, à la mi-mai. Ne niant pas cette rencontre, M. Lobo a précisé qu’elle avait pour objet de demander au président bolivarien la reprise des relations diplomatiques et sa médiation pour que le Honduras rejoigne l’OEA.
Probable candidat du Parti libéral (PL) lors de la prochaine élection présidentielle [4], M. Lucio Izaguirre a appelé les députés du Congrès à organiser immédiatement un référendum « pour savoir si le président Lobo doit ou non continuer à exercer le pouvoir, car il a menti au peuple [en passant un « pacte secret » avec M. Chávez] et qu’un président qui ment à son peuple ne peut continuer dans l’exercice de la présidence [5] ».
Ayant peut-être les « intérêts supérieurs du pays » à l’esprit, mais surtout peu désireux de finir comme « Mel », en pyjama, dans un avion, un petit matin blême, M. Lobo a expliqué que Cartagena « n’a pas pour objet d’éviter l’application de la justice ni de “blinder ” des cas de corruption », et que « personne n’est au-dessus de la loi ».
C’est ainsi que, membre à part entière de l’OEA et ayant réintégré avec honneur la « communauté internationale », le Honduras compte un éminent prisonnier politique : l’ancien ministre de la présidence Flores Lanza.
Publié dans Memoire des Luttes
publié : le 22 juin 2011
Le 22 mai, le président hondurien Porfirio Lobo et l’ex-chef de l’Etat Manuel Zelaya, renversé en juin 2009, signaient à Cartagena de Indias (Colombie) l’Accord pour la réconciliation nationale et la consolidation du système démocratique dans la République du Honduras. Leurs homologues colombien et vénézuélien Juan Manuel Santos et Hugo Chávez, qui avaient œuvré en tant que médiateurs lors des négociations ayant mené à ce dénouement, leur ont servi de témoins.
En permettant le retour dans son pays de M. Zelaya, jusque-là réfugié en République Dominicaine, cet accord a facilité la réincorporation du Honduras au sein de l’Organisation des Etats américains (OEA), survenue le 1er juin et approuvée par la totalité des pays membres, à l’exception de l’Equateur.
Si la fin de l’éloignement de « Mel », comme on appelle familièrement l’ancien chef de l’Etat, a provoqué une vague d’enthousiasme au sein du Front national de résistance populaire (FNRP), la réintégration express et concomitante du pays dans l’OEA y a produit un fort malaise et une évidente confusion.
Au terme d’une assemblée générale réunissant mille cinq cents délégués, les 26 et 27 février, le Front avait publiquement fait connaître ses exigences pour une sortie de crise : le retour en toute sécurité des exilés, dont l’ancien président (alors sous le coup de plusieurs procès montés de toutes pièces après son éviction ) ; la non participation à un quelconque processus électoral ; le démantèlement des structures golpistas [1] et le châtiment des responsables. Il avait également annoncé l’auto-convocation d’une Assemblée nationale constituante (ANC) « participative et démocratique », pour le 28 juin. Or, avec l’assentiment de M. Zelaya (et de M. Chávez, considéré par le FNRP comme son plus fidèle allié sur la scène internationale), l’Accord de Cartagena ne satisfait que le premier de ces points.
Bénéficiant d’une totale impunité, les organisateurs et bénéficiaires de la rupture constitutionnelle sont toujours incrustés dans les structures de l’Etat et du gouvernement Lobo. La répression n’a pas cessé. « L’Etat de droit est brisé et ses décombres demeurent entre les mains de ceux qui ont promu, accepté et défendu le golpe », s’insurgeait Mme Bertha Oliva, dirigeante du Comité des familles de détenus-disparus du Honduras (Cofadeh), dès le 2 juin, exprimant un sentiment très répandu. « Comment pouvons-nous répondre au peuple qui réclame justice et liberté ? » D’où le malaise latent.
Alors que, depuis le coup d’Etat, ce sont les bases du Front qui, refusant de reconnaître la légitimité des gouvernements de MM. Roberto Micheletti (le putschiste) et Lobo (issu d’élections « illégitimes »), ont affronté et subi la repression, le sentiment a prévalu que le mouvement, en tant que tel, n’avait pu qu’entériner une négociation menée en dehors de lui, par MM. Santos, Chávez, Lobo et Zelaya – un accord de « chefs » laissant le peuple de côté.
Il eût fallu être aveugle ou sourd pour ne pas prendre conscience du sentiment de frustration, et même parfois de colère ,régnant à Tegucigalpa. Outre Quito, Caracas (mais peut-être trop tardivement) s’en préoccupa. Le 1er juin, lors de l’Assemblée générale de l’OEA au cours de laquelle le Honduras devait retrouver son siège, le ministre des affaires étrangères vénézuélien Nicolás Maduro ne ménagea pas sa peine, pendant de longues heures, pour que soit inclus, dans la résolution, « un élément ayant à voir avec la lutte contre l’impunité et le respect des droits de l’homme ». Ses efforts n’ayant pas abouti, le Venezuela, sans rejoindre la position très ferme de l’Equateur, votera « pour la réintégration », mais en exprimant des « réserves » [2].
Pour autant, on ne résout pas un problème en le compliquant davantage : conscient d’avoir triomphé de la ligne des pustschistes qui refusaient la présence de M. Zelaya au Honduras, le FNRP a retrouvé son dirigeant – le seul, par son charisme, à même de fédérer le mouvement, et donc à lui permettre de possibles futures victoires – et serre les rangs. Et, M. Zelaya en tête, il dénonce les premiers « accrocs » aux Accords de Cartagena. Car ceux qui ont contesté la légitimation du gouvernement Lobo et le « blanchiment du coup d’Etat » qu’a entraîné de facto le retour au sein de l’OEA n’avaient pas, pour le faire, que de mauvaises raisons.
Depuis cette « normalisation », trois nouveaux paysans ont été assassinés et trois autres blessés par les paramilitaires à la solde des terratenientes [3], dans le Bas Aguán ; un autre est porté disparu depuis le 15 mai. Ces crimes portent le nombre des victimes des sicarios et des forces de sécurité à 32 morts, depuis janvier 2010, dans cette région.
Le 15 juin, M. Enrique Flores Lanza, ex-ministre de la présidence de M. Zelaya, a dû se présenter devant la justice. Membre de la Commission politique du FNRP, exilé au Nicaragua et revenu à Tegucigalpa, le 28 mai, dans le même avion que l’ancien chef de l’Etat, il est accusé d’avoir « détourné » des fonds publics pour mener campagne en faveur de la consultation populaire parfaitement légale que celui-ci voulait organiser, et qui lui a valu d’être renversé. Or, l’un des paragraphes de l’Accord « pour la réconciliation nationale » signé par M. Lobo mentionne « l’engagement assumé par le gouvernement de garantir à l’ex-président Manuel Zelaya, ainsi qu’aux autres ex-membres de son gouvernement, l’exercice de toute leur liberté d’action politique et toutes les garanties envisagées dans la Constitution et les lois du Honduras (…) ». Il est également précisé que ces ex-fonctionnaires, au cas où ils auraient à répondre devant la justice, pourraient exercer leur défense « en liberté ».
Ce 15 juin, le juge Claudio Aguilar a placé M. Flores Lanza en détention à domicile, lui donnant un délai d’un mois pour réunir une caution de 27 millions de lempiras – quasiment un million d’euros –, somme exorbitante, jamais demandée dans le pays à aucun prévenu. Si, au terme de trente jours, il n’a pu présenter cette somme, dont il a déjà précisé qu’il ne peut la payer, il sera placé en détention préventive, dans une prison de droit commun.
Tandis que le FNRP, en tant qu’organisation, demande à la communauté internationale « de se prononcer contre ce nouvel acte arbitraire qui constitue un dangereux sabotage des tentatives de donner une sortie pacifique et politique à la crise vécue depuis le coup d’Etat de 2009 », son coordinateur général, M. Zelaya, dénonce : cette décision de « justice » (institution notoirement impliquée dans le golpe) « viole l’accord signé à Cartagena de Indias ».
Le président Lobo navigue à vue. Son aval au retour de l’ennemi juré a provoqué la fureur des secteurs golpistas. Depuis le début du mois de juin, une campagne médiatique menée en particulier par les quotidiens El Heraldo et La Prensa (propriétés de M. Jorge Canahuati Larach, l’une des figures les plus en vue de l’oligarchie) l’accusent implicitement d’avoir passé « un pacte secret » avec… M. Chávez. L’affirmation repose sur l’interception (par qui ? comment ?) d’un supposé câble destiné à Caracas et relatant une conversation entre le chargé d’affaires vénézuélien à l’ambassade de Tegucigalpa, M. Ariel Vargas, et le chef de l’Etat hondurien, à la mi-mai. Ne niant pas cette rencontre, M. Lobo a précisé qu’elle avait pour objet de demander au président bolivarien la reprise des relations diplomatiques et sa médiation pour que le Honduras rejoigne l’OEA.
Probable candidat du Parti libéral (PL) lors de la prochaine élection présidentielle [4], M. Lucio Izaguirre a appelé les députés du Congrès à organiser immédiatement un référendum « pour savoir si le président Lobo doit ou non continuer à exercer le pouvoir, car il a menti au peuple [en passant un « pacte secret » avec M. Chávez] et qu’un président qui ment à son peuple ne peut continuer dans l’exercice de la présidence [5] ».
Ayant peut-être les « intérêts supérieurs du pays » à l’esprit, mais surtout peu désireux de finir comme « Mel », en pyjama, dans un avion, un petit matin blême, M. Lobo a expliqué que Cartagena « n’a pas pour objet d’éviter l’application de la justice ni de “blinder ” des cas de corruption », et que « personne n’est au-dessus de la loi ».
C’est ainsi que, membre à part entière de l’OEA et ayant réintégré avec honneur la « communauté internationale », le Honduras compte un éminent prisonnier politique : l’ancien ministre de la présidence Flores Lanza.
Publié dans Memoire des Luttes
publié : le 22 juin 2011
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